Courrier ouvert au Président de la République sur la situation de la famille Bongo, la transparence et la confiance du peuple

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Excellence Monsieur le Président de la République,

Permettez-moi, en tant que Coordinateur Général du Réseau AsCom, de m’adresser à vous aujourd’hui pour évoquer avec la plus grande humilité et la plus profonde conscience citoyenne une situation qui fait vibrer toute la nation gabonaise, et qui, malheureusement, met à mal la confiance que notre peuple doit avoir en ses institutions.

L’actualité récente, marquée par la libération de Madame Sylvia Bongo, de son fils Nourredin, ainsi que leur exil en Angola, a créé une onde de choc dans toutes nos familles. Des citoyens, jeunes et vieux, se interrogent, s’indignent, et surtout, se sentent trahis par un système qui paraissait jusqu’ici vouloir rendre justice, instaurer la transparence et assurer la responsabilité. Mais force est de constater que ces événements ont amplifié un sentiment d’injustice, de méfiance, et d’insécurité juridique.

Monsieur le Président, il est urgent de répondre à ces préoccupations légitimes qui taraudent le peuple, et de lever toute ambiguïté autour de cette affaire.

Le contexte actuel : une succession d’événements qui questionnent la crédibilité du système

    Depuis l’arrestation de Madame Sylvia Bongo et de son fils, la nation a suivi avec attention les enquêtes sur les soupçons de détournements et de crimes économiques qui pèsent sur eux. Lors de leur arrestation, les médias officiels ont diffusé en boucle des images de leurs domiciles, montrant des mallettes remplies d’argent, des imitations de signatures du Président Ali Bongo, et diverses pièces à conviction censées prouver leur implication dans un vaste système de détournements.

    Et pourtant, voilà qu’après deux ans de tension, ces mêmes personnes, poursuivies pour des faits graves, sont soudainement libérées pour “raisons de santé” et envoyées en exil en Angola, sans que le peuple ait été réellement informé de leur départ ni de la nature exacte des négociations en coulisse.

    Ce décalage entre la communication officielle et la réalité des faits suscite bien entendu un profond sentiment d’injustice, car nombreux sont ceux qui aspirent à connaître toute la vérité : qui a détourné, comment, et surtout, comment récupérer cet argent volé à la nation ?

    La question de la transparence et de la communication : un impératif incontournable

      Votre Excellence, dans une démocratie saine, toute opération judiciaire ou exceptionnelle doit être accompagnée d’une communication claire, précise et publique. La transparence n’est pas un luxe, mais une nécessité pour renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions.

      Or, dans cette affaire particulière, la majorité du peuple ne comprend pas pourquoi, avant même toute décision de justice ou tout début de procès, aucune explication claire n’a été donnée. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas pris l’initiative d’informer le peuple en amont, en expliquant que cette famille était sous surveillance, poursuivie pour des crimes économiques, et qu’une procédure de justice était en cours ?
      Parce que la confiance ne se construit pas sur des décisions opaques ou des dérobades. Elle se construit sur la transparence, la responsabilité et la crédibilité.

      Il aurait fallu que le peuple soit éclairé, expliqué, rassuré ; que la justice donne toutes les garanties d’un processus équitable.

      La légalité des libérations pour “raisons de santé” et l’état réel de la justice

        Votre Excellence, la justification légale évoquée pour la libération de Madame Sylvia Bongo et de son fils – “raisons de santé” – doit être comprise dans sa vérité juridique. Selon le Code de procédure pénale gabonais, notamment ses articles 132 et 143, telles mesures doivent respecter des conditions strictes : il faut prouver que l’incarcération est incompatible avec leur état de santé, et garantir leur présence lors du procès.

        Mais la question reste ouverte : quelles garanties avons-nous que ces personnes reviendront au pays pour répondre de leurs actes ? La réalité, c’est que la liberté conditionnelle ou provisoire peut tout aussi bien être une porte ouverte vers l’exil définitif, si leur état de santé s’améliore ou si leur sécurité est mieux assurée à l’étranger.

        Cela soulève des enjeux cruciaux :

        • Le système judiciaire est-il réellement indépendant et efficace pour garantir un procès équitable même en leur absence physique ? En d’autres termes, existe-t-il des dispositifs juridiques ou procéduraux permettant de poursuivre ces personnes à distance, par visioconférence ou autres modalités, sans compromettre la crédibilité du processus judiciaire ? La réponse à cette question est essentielle pour préserver la confiance du peuple dans une justice qui doit être équitable et transparente.
        • Existe-t-il des mécanismes légaux ou diplomatiques capables de faire revenir ces personnes au Gabon, répondant ainsi de leurs responsabilités devant la justice nationale ? La réalité montre que, souvent, l’exil de personnes accusées de faits graves ouvre la voie à l’impunité. S’il n’existe pas de pactes ou de conventions permettant leur extradition ou leur retour volontaire, cela signifie que ces responsables pourraient ne jamais rendre de comptes, ce qui entame la crédibilité de toute la République.

        Les réponses à ces deux enjeux déterminent la capacité de l’État gabonais à garantir la justice, la lutte contre la corruption et la légalité. Leur non-réalisation pourrait encourager d’autres à agir à l’abri de la loi, tout en sapant la confiance du peuple dans ses institutions.

        La question de la justice en l’absence des prévenus : mécanismes, défis et perspectives

        L’un des défis majeurs que pose la libération de Madame Sylvia Bongo, de son fils Nourredin, puis leur exil en Angola, concerne la capacité de la justice gabonaise à continuer sa mission de manière effective, malgré l’éloignement géographique et la complexité politique.

        Comment garantir qu’un procès équitable puisse se tenir, même lorsque les personnes poursuivies sont en exil ou en fuite ? La réponse dépend de plusieurs facteurs, notamment le cadre juridique, les mécanismes internationaux, et la volonté politique.

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        La faisabilité juridique d’un procès sans présence physique

          Conformément au droit pénal et au droit procédural gabonais, un procès peut, dans certaines circonstances, se tenir à distance, notamment par visioconférence. La législation en vigueur prévoit que, dans des cas exceptionnels, la présence du prévenu peut être remplacée par une audience à distance, pour éviter l’impunité et assurer la continuité du processus judiciaire.

          Cependant, la réalité pratique dans notre contexte demeure complexe :

          • Les moyens techniques : La disponibilité de plateformes sécurisées et fiables, garantissant la confidentialité, l’intégrité des témoignages et la non-ingérence, est souvent limitée.
          • Le cadre légal : Le Code de procédure pénale gabonais devrait explicitement prévoir ces modalités, ce qui est encore une faiblesse essentielle. Il faudrait, si ce n’est pas déjà fait, renforcer la législation pour permettre des procès à distance, surtout dans des affaires de corruption ou de détournement de fonds où la présence physique ne devrait pas être un obstacle pour la justice.

          En résumé, juridiquement, il est possible d’organiser des procès à distance, mais des obstacles techniques et législatifs doivent encore être surmontés pour que cela devienne une pratique efficace, crédible et acceptée par le peuple.

          La coopération internationale et les mécanismes d’extradition
          Sur un plan diplomatique, la problématique se complique :

            • L’exil volontaire de responsables ou de membres de la famille présidentielle, vers un pays comme l’Angola, rend leur retour difficile si aucune convention d’extradition n’a été signée ou si ce pays refuse de coopérer.
            • Les enjeux géopolitiques : Certains États, notamment dans la région ou dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, peuvent avoir des réticences ou des enjeux diplomatiques empêchant toute extradition.

            Si aucune entente n’existe, le recours à des mécanismes internationaux, comme la Convention contre la corruption de l’ONU ou d’autres instruments liés à la coopération judiciaire, pourrait être envisagé — mais cela demande une volonté politique forte, une collaboration active et la capacité de faire pression diplomatique.

            Concrètement, cela suppose que le gouvernement gabonais doive :

            • Renforcer ses alliances et conventions diplomatiques en matière de lutte contre la criminalité économique.
            • Interpeller la communauté internationale pour soutenir la récupération des biens détournés.
            • Mettre en œuvre des stratégies juridiques pour faire pression sur les pays d’accueil.

            La nécessité d’un cadre législatif et institutionnel fort
            Pour que ces mécanismes soient efficaces, il faut aussi :

              • Renforcer le cadre législatif : adopter ou compléter le Code de procédure pénale avec des dispositions explicites pour la tenue de procès à distance, la gestion des extraditions, et la récupération des biens.
              • Créer une commission nationale anti-corruption efficace : dotée de pouvoirs pour suivre et coordonner ces actions.
              • Mettre en place un dispositif de coopération internationale : Par le biais d’accords bilatéraux ou multilatéraux, notamment avec l’Angola, pour faciliter le retour des fugitifs et la récupération des fonds détournés.

              La volonté politique : la clé de la réussite

                Tant que la volonté politique ne sera pas affirmée et soutenue par une véritable détermination à lutter contre l’impunité, ces mécanismes resteront lettre morte. L’Élite au pouvoir doit comprendre qu’une justice crédible, équipée d’outils modernes et soutenue par une politique proactive, est essentielle pour rétablir la confiance du peuple.
                Monsieur le Président, vous avez la responsabilité historique d’inscrire cette volonté dans l’agenda national en :

                • Renforçant la législation en matière de justice numérique et à distance, afin de permettre l’organisation de procès équitables même en cas d’absence des prévenus, tout en sécurisant ces processus contre toute tentative de manipulation ou d’ingérence.
                • Promouvant une véritable coopération diplomatique et judiciaire avec les pays voisins, notamment l’Angola, par la signature d’accords d’extradition et de récupération de biens, pour assurer que ceux qui ont détourné des fonds publics rendent compte de leurs actes, où qu’ils soient.
                • Créant une commission nationale indépendante de lutte contre la corruption, dotée de pouvoirs d’enquête et d’exécution, capable d’interpeller, de geler, de saisir et de restituer les biens mal acquis, même à l’étranger.
                • Mettre en œuvre une communication transparente et régulière à destination du peuple, expliquant chaque étape, chaque décision, pour restaurer la confiance et rassurer les citoyens sur la volonté ferme de faire respecter la justice et l’état de droit.
                • Engager une grande réforme judiciaire, en garantissant l’indépendance des magistrats, la formation permanente de la justice, et la mise en place de mécanismes permettant de suivre et évaluer l’efficacité de la lutte contre l’impunité.

                Monsieur le Président, votre leadership est déterminant pour faire de cette étape un symbole de transparence, de responsabilité et de renaissance démocratique pour le peuple gabonais. La justice ne doit plus être un simple slogan, mais une réalité tangible qui garantit à chaque citoyen que ceux qui ont commis des fautes répondront de leurs actes, peu importe où ils se trouvent. C’est ce défi immense mais vital que la nation attend que vous releviez, avec courage et clairvoyance.

                Conclusion : Monsieur le Président, cette situation exceptionnelle doit être l’occasion pour la nation gabonaise de tourner une page importante dans son histoire judiciaire et politique. La confiance du peuple ne peut se rétablir sans des actions concrètes, sans un engagement sérieux en faveur de la transparence, de la justice et de l’État de droit.

                Il ne s’agit pas seulement de faire preuve de fermeté contre la corruption, mais aussi de réaffirmer l’indépendance de la justice, la souveraineté de notre pays, et la détermination d’instaurer un régime qui œuvre pour la justice et la justice seule.

                Le peuple gabonais vous regarde et attend de vous non pas des discours, mais des actes forts, courageux, et porteurs d’un véritable changement. La justice ne doit plus être un outil d’impunité ou une façade politique : elle doit devenir la pierre angulaire de notre renaissance nationale.

                Il en va de l’avenir de notre pays, de la confiance de nos enfants, et de la dignité de notre Nation.

                Nous comptons sur votre leadership, votre courage et votre clairvoyance pour que la justice, enfin, retrouve ses droits, que la vérité émerge et que le peuple tout entier retrouve confiance dans ses institutions. L’histoire vous jugera selon les actes que vous poserez aujourd’hui.

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