GABON : Déguerpissements derrière l’Assemblée Nationale , Entre indemnisations, légalité et défis sociaux

0 5

La complexité du processus de déguerpissement au Gabon

Le quartier situé derrière l’Assemblée Nationale, à Libreville, a été le théâtre récemment d’une opération de déguerpissement massive, visant à libérer une zone destinée à accueillir une nouvelle cité administrative dans le cadre du schéma d’aménagement de la capitale. Bien que cette opération ait été annoncée depuis plusieurs années, elle suscite encore de vives tensions et des controverses, notamment en raison de l’attitude de certains propriétaires qui, malgré avoir été indemnisés depuis longtemps, continuent à occuper ou louer leurs habitations. Cela soulève des questions fondamentales sur la légalité, la gestion, la communication, et surtout le respect des droits des populations concernées.

La situation : indemnisés mais toujours présents, qu’est-ce qui cloche ?

Selon les informations provenant des services de l’urbanisme, la majorité des propriétaires de maisons démolies ont été indemnisés il y a plusieurs années — parfois plus de cinq ans — conformément aux procédures légales. Ces indemnisations visaient à compenser la perte de biens immobiliers destinés à faire place à des projets publics. Pourtant, la réalité est tout autre : nombre de ces propriétaires ou occupants ont continué à faire louer leurs maisons ou à y habiter eux-mêmes, ce qui constitue une véritable infraction à la législation foncière.

Ce comportement traduit une criminalité silencieuse, où la volonté de tirer profit de l’occupation sans droit côtoie le mépris pour le cadre réglementaire. Certains agents du ministère de l’Habitat dénoncent un véritable abus : « Ces personnes ont été indemnisées, mais préfèrent conserver ou louer ces logements pour continuer à en retirer des bénéfices, en toute impunité. C’est un détournement de fonds publics et une violation flagrante des principes d’expropriation. »

Pourquoi ces propriétaires ne respectent-ils pas l’indemnisation ?

Plusieurs raisons expliquent cette attitude :

Le manque de contrôle effectif : L’insuffisance des mécanismes de suivi empêche de vérifier si les indemnisés respectent leur engagement de quitter les lieux.
L’incertitude face à l’avenir : Certains craignent que la perte de leur logement ne soit pas compensée par une relocalisation efficace ou qu’ils ne puissent pas retrouver un logement décent à proximité.
L’attachement sentimental ou économique : La maison constitue souvent un patrimoine familial ou une source de revenus. La démolition peut ainsi représenter une perte symbolique ou financière irréparable.
Une stratégie d’attente : Certains espèrent que l’État recourra à la négociation ou à des arrangements étrangers à la légalité, ou que la démolition sera différée pour des raisons politiques ou sociales.

La problématique des indemnisations : un outil efficace ou une simple formalité ?

L’indemnisations sont un dispositif clé dans la gestion des expropriations, visant à compenser financièrement les propriétaires affectés par des projets d’intérêt public. Leur objectif est d’apaiser les tensions sociales et d’éviter les conflits. Cependant, leur efficacité dépend largement de la transparence, de la rapidité et du contrôle rigoureux.

Au Gabon, il apparaît que bon nombre d’indemnisations ont été réalisées sans suivi sérieux. La lenteur des procédures, le manque de communication claire, et l’absence de mécanismes de contrôle effective permettent à certains bénéficiaires de continuer à occuper illégalement les terrains. En réalité, cela démontre deux enjeux majeurs :

La nécessité de renforcer la transparence et la responsabilité lors de l’attribution et du versement des indemnisations.

La nécessité de mettre en place un suivi strict pour garantir que les indemnisés respectent leur engagement de libérer le terrain dans les délais impartis.

    Une indemnisation ne doit pas seulement être une étape financière, mais aussi une étape de responsabilisation du propriétaire. Sans suivi, elle reste une simple formalité bureaucratique qui ne sert pas l’intérêt général.

    La gestion du processus d’expulsion : procédure, légalité et respect des droits

    HeaderOlamBanner

    Lorsque l’État décide de dégager un espace pour un projet d’intérêt public, il est essentiel que le processus d’expulsion respecte scrupuleusement le cadre légal en vigueur. La légitimité juridique, la transparence et le respect des droits fondamentaux des citoyens doivent être les piliers de toute opération de cette nature, afin d’éviter la multiplication des conflits et des préjudices sociaux.

    Les étapes essentielles du processus d’expulsion selon la procédure légaleLa déclaration d’intérêt public : La première étape consiste à faire reconnaître officiellement que le projet de développement ou d’aménagement constitue un intérêt général. Ceci se formalise par un décret présidentiel ou une loi adaptée, qui précise la zone concernée, la nature du projet, et la nécessité d’exproprier ou de dégager les terrains concernés. Ce document doit être publié dans des revues officielles et accessible au public.

    L’évaluation des impacts sociaux et environnementaux : Avant toute intervention, une étude d’impact doit être menée. Elle sert à analyser les conséquences sociales, économiques et environnementales du projet. Un diagnostic approfondi permet d’identifier les populations directement affectées, d’évaluer leurs besoins et de définir des mesures d’atténuation ou de compensation. Sans cette étape, l’opération risque d’être contestée pour non-respect des principes de développement durable.

    Le recensement des occupants : Il est crucial que l’administration réalise un recensement précis et transparent des occupants concernés. Cela implique de recenser toutes les familles, individus ou entreprises en contrat ou en occupation, et de faire état de leur situation. Cette étape doit être accompagnée d’une communication claire afin de limiter les malentendus ou ressentiments.

    L’évaluation des indemnisations ou des solutions de relogement : Après recensement, une évaluation précise doit être effectuée pour déterminer les indemnités équitables ou proposer des solutions de relogement ou de réinstallation. Ces propositions doivent être communiquées aux occupants avec un délai raisonnable, généralement d’au moins trois mois, notamment lors des périodes de vacances pour minimiser les impacts sociaux.

    La notification préalable et la mise en œuvre organisée du déguerpissement : Les occupants doivent être notifiés officiellement par acte ou par avis public, avec toutes les précisions nécessaires concernant la date de l’expulsion, les modalités et les mesures d’accompagnement. La mise en œuvre doit être organisée de façon à garantir la sécurité et la dignité des personnes, notamment par la présence de forces de l’ordre formellement encadrées.

    Les mesures d’accompagnement et de réinsertion : Il ne suffit pas d’expulser. L’État doit également proposer des solutions concrètes aux personnes déplacées : systèmes de relogement, aides financières, formations ou autres mesures sociales. Ignorer cette étape risque de créer des situations de grande détresse sociale, voire des crises majeures.

      Débats et enjeux : le respect des droits humains et la responsabilité de l’État

      La procédure légale ne garantit pas seulement la légalité, elle doit aussi respecter les droits fondamentaux des citoyens. Un déguerpissement sans respect des droits peut conduire à des violations graves, telles que l’expulsion violente, l’absence d’indemnisation correcte ou de solutions de relogement adaptées.

      Au Gabon, plusieurs opérations ont été critiquées pour leur aspect précipité, leur manque de transparence ou leur légèreté dans le respect des procédures. Facilité par des décrets, la rapidité d’exécution peut parfois faire passer la justice sociale au second plan, ce qui alimente la tension entre l’État et la population.

      La nécessité du dialogue et de la transparence

      Pour éviter que ces opérations ne deviennent des sources de conflit, il est recommandé de renforcer le dialogue préalable avec les populations concernées. Informer suffisamment à l’avance, organiser des réunions consultatives, et tenir compte des besoins spécifiques de chaque groupe, permet de construire une dynamique de co-responsabilité.

      Propositions pour une gestion plus humaine et efficace

      • Renforcer la légalité et la transparence : Il est impératif d’instaurer une obligation de publication officielle de toutes les étapes du processus d’expulsion, notamment la déclaration d’intérêt public, les impacts sociaux, la procédure de recensement, et le calendrier des opérations. La communication doit être claire, accessible et régulière afin d’éviter toute confusion ou mécontentement. L’utilisation des médias publics, des panneaux d’information et des consultations publiques est essentielle pour assurer la transparence et renforcer la légitimité des opérations.


      • Mettre en place un système de recensement et de consultation participative : Avant toute opération de déguerpissement, il faut réaliser un recensement exhaustif et participatif des occupants, en associant autant que possible la société civile, les associations et les représentants locaux. Cela permettrait de mieux comprendre les situations sociales, économiques et culturelles de chaque famille ou groupe concerné. Des rencontres régulières, des ateliers d’échange et des enquêtes de terrain doivent être organisés pour recueillir leurs attentes, leurs préoccupations et leurs propositions, contribuant ainsi à une démarche inclusive et respectueuse des droits humains.


      • Garantir des solutions de relogement ou de compensation équitables : À l’issue du recensement et de l’évaluation des besoins, le gouvernement doit prévoir des terrains ou des logements adaptés, accessibles, proches des zones d’origine afin de minimiser les difficultés socio-économiques liées à la relocalisation. Ces solutions doivent être offertes gratuitement ou à coût modéré, selon la situation des populations, en assurant la qualité des infrastructures, la sécurité et la stabilité du logement. Par ailleurs, des aides financières, des formations professionnelles ou des dispositifs d’accompagnement social doivent compléter ces mesures pour permettre aux déplacés de reconstruire leur vie dans de bonnes conditions.


      • Créer une cellule de suivi et de médiation : Pour assurer une gestion humaine et évitoter tout débordement, il est utile de désigner une commission ou une cellule de suivi composée de représentants de l’État, de la société civile et des populations concernées. Cette structure aurait pour rôle de suivre l’avancement des opérations, de gérer les éventuelles contestations, et d’assurer un lien de dialogue permanent entre les parties.


      • Prévoir des mécanismes d’indemnisation et de réparation : En matière d’indemnisation, il faut respecter strictement les lois, en garantissant le paiement rapide de sommes justes et en évitant toute récupération ou détournement de fonds. Si des occupants ont investi sur des terrains, des solutions de compensation ou de réinstallation adaptée doivent leur être proposées, afin de reconnaître leurs investissements tout en respectant l’intérêt général.
      • Promouvoir une sensibilisation continue : Enfin, il est crucial de renforcer la sensibilisation des populations, des propriétaires, des locataires et des acteurs locaux sur leurs droits et devoirs en matière de propriété foncière. La sensibilisation doit s’appuyer sur des campagnes d’éducation civique, la diffusion d’informations légales, et la clarification des procédures officielles, afin de réduire le sentiment d’injustice ou de marginalisation.

      Laisser un commentaire

      Votre adresse email ne sera pas publiée.