Gabon : Entre souveraineté, endettement et identité nationale face à la présence étrangère dans le secteur des taxis

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Le débat autour de la présence étrangère, notamment camerounaise, dans le secteur des taxis au Gabon révèle des enjeux beaucoup plus profonds touchant à la souveraineté économique, à la gestion de la dette, et à l’identité nationale. En examinant de près la situation, il devient clair que cette polémique dépasse largement la simple opposition entre nationaux et étrangers, pour poser des questions fondamentales sur la gouvernance, la légalité, et la protection des intérêts du peuple gabonais.

L’implication des investisseurs camerounais dans le financement de l’État gabonais

Récemment, des données ont montré que des sociétés de bourse camerounaises telles qu’Afriland, ASCA, Horus, EDC Investment et BEM Securities ont levé plus de 80 milliards FCFA pour le compte du Gabon, dont 62,5 milliards sous forme de prêt en 2024. Ces chiffres illustrent un phénomène remarquable : le Cameroun est devenu un acteur clé dans le financement de la dette gabonaise depuis 2019. Cette dépendance financière croissante fait poser une question cruciale : qu’est-ce qui motive cette forte implication des investisseurs camerounais ?

D’un point de vue économique, le marché financier camerounais, concentrant la majorité des investisseurs institutionnels de la zone CEMAC, offre des placements attrayants avec des rendements attractifs. Le Gabon, qui cherche à financer son Plan National de Développement (PNDT) pour assurer sa transition économique et sociale, trouve dans ces financements une solution immédiate à ses besoins. Cependant, cette dépendance soulève des préoccupations sur la soutenabilité de la dette, surtout en période de réticence du marché à investir. La région doit ainsi réfléchir à ses stratégies de développement pour ne pas devenir entièrement dépendante de capitaux étrangers ou de partenaires qui, à long terme, pourraient avoir des intérêts divergents.

L’argument sur la légalité et la moralité de ces prêts

Les Gabonais commencent à s’interroger sur la légitimité de cet endettement massif auprès de partenaires étrangers, notamment camerounais. Certains dénoncent une forme de « néocolonialisme financier », où des acteurs privés prennent le contrôle de finances publiques en échange de liquidités. De plus, dans un contexte où certains estiment que des détournements de fonds publics ont eu lieu, la question persistante est : pourquoi continuer à emprunter, notamment auprès de prêteurs étrangers potentiellement liés à des intérêts privés ?

Il faut aussi rappeler la nécessité de récupérer tout l’argent détourné lors de scandales, tels que l’affaire dite du “bien mal acquis”, pour financer le développement véritable du Gabon. Si ces fonds étaient plutôt réinvestis dans des secteurs productifs ou utilisés pour rembourser une partie de la dette, cela pourrait renforcer la souveraineté économique du pays.

La controverse autour du secteur des taxis et l’identité nationale

Parallèlement à ces enjeux financiers, la question de la souveraineté dans le secteur des taxis cristallise l’attention. La population gabonaise réclame que seuls des Gabonais puissent opérer dans ce secteur, dans un souci de protection de l’économie locale et de l’emploi national. Cependant, face à cette demande, certains Camerounais répondent, notamment sur les réseaux sociaux, en argumentant que leur pays a prêté de l’argent à l’État gabonais — une dette qu’il faut rembourser — et que, par conséquent, ils ont légitimité à intervenir dans tous les domaines, y compris dans celui des taxis.

Conflit entre économie et souveraineté

Il est vrai que l’absence d’une législation claire empêchant explicitement les étrangers de posséder ou d’opérer des taxis au Gabon laisse la porte ouverte à toutes sortes d’abus. En l’état, un Camerounais peut acheter un véhicule, le transformer en taxi, et circuler dans la capitale ou d’autres villes sans restriction, ce qui ne peut que ressentir comme une occupation économique par des étrangers. Cette situation alimente la frustration de nombreux Gabonais qui souhaitent protéger leur marché local.

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La nécessité d’une loi claire

Le problème central réside dans l’absence d’une loi qui réserverait expressément certains secteurs aux seuls nationaux. La précédente réglementation, arrêtée par le ministère du Commerce, visait à favoriser l’emploi local, mais elle n’a jamais été transformée en loi, laissant le terrain aux dérives. Pour une véritable protection, il faut non seulement voter une loi, mais aussi la faire respecter. Cela permettrait de limiter l’accès à certains métiers, comme le transport urbain, aux seuls Gabonais.

Que faire face à cette situation ?

  1. Voter et faire respecter une législation claire

La priorité doit être la transformation des arrêtés temporaires en lois pour garantir la sécurité juridique. Cela évite les interprétations erronées ou les violations flagrantes, tout en protégeant le tissu économique local.

  1. Récupérer les fonds détournés et lutter contre la corruption

Le gouvernement doit intensifier ses efforts pour obtenir la restitution des fonds détournés dans des scandales financiers, notamment en France, et les réaffecter au développement social et économique du pays.

  1. Diversifier et réguler l’accès aux marchés

Il est important d’instaurer des stratégies pour promouvoir l’entrepreneuriat national et limiter l’envahissement des secteurs sensibles par des étrangers. Le développement d’un cadre réglementaire strict peut garantir un équilibre entre ouverture économique et souveraineté.

  1. Dialogue et sensibilisation de la population

Le peuple doit être invité à participer à ces débats, car la souveraineté ne se limite pas aux questions économiques, elle implique aussi la conscience citoyenne et la défense des intérêts nationaux.

Conclusion : Le cas des taxis étrangers au Gabon, couplé à la gestion de la dette et à la présence des investisseurs camerounais, met en lumière la nécessité pour le gouvernement d’adopter une politique claire et ferme. Il faut d’abord légiférer pour protéger l’économie locale, puis renforcer la transparence dans la gestion des finances publiques. La souveraineté du Gabon passe par la réglementation, mais aussi par une volonté politique ferme de défendre ses intérêts à long terme, en évitant de devenir dépendant de capitaux étrangers ou d’individus qui pourraient, à terme, faire passer leurs intérêts personnels avant ceux du pays.

Il est crucial que la classe politique et les responsables prennent conscience que la sécurité nationale et économique commence par la protection de ses propres citoyens et de ses ressources. La solution est dans la loi, la transparence et le patriotisme.

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